samedi 13 octobre 2012

Présentation




Hommage à  Demba CAMARA
(..Physiquement mort, DEMBA, tu resteras encore vivant parmi nous. Ton souvenir vivace restera éternel pour les jeunes générations. Chaque regard sur le passé fera renaitre comme tu as su le faire, au sein du BEMBEYA JAZZ NATIONAL, pour nos illustres héros ALMAMY SAMORY et MORY FINDIAN DIABATE. DEMBA, tes lèvres et tes paupières semblent définitivement closes, prises qu’elles sont dans les serres acérées de cette mort inévitable, de ce destin inexorable, mais ta voix male et combien douce berce encore nos oreilles, ton regard d’homme plein de personnalité indique encore à tes camarades du BEMBEYA JAZZ et de toute la jeunesse Guinéenne et Africaine, celle de la réhabilitation et de revalorisation de l’art et de la culture Africains…)

  Au très regretté compositeur, le chanteur soliste Aboubacar Demba CAMARA, décédé le 5 avril 1973 à Dakar, des suites d’un stupide accident de circulation.
 Compositeur heureux ou adaptateur inspiré de ses « chants de cygnes » (pourrait-on dire) DEMBA leur a insufflé sa sensibilité de poète, son génie inné de musicien traditionnel, ses recherches et ses fantaisies d’animateur moderne, en des accents si chauds et si pathétiques, en des cris de cœur si communicatifs, qu’ils retentiront à jamais aux oreilles d’auditeurs admiratifs.
 C’est sur invitation du Secrétaire d’Etat que le 31 mars, l’orchestre moderne BEMBEYA JAZZ NATIONAL s’envole pour Dakar où il atterrit à 22h10. A l’aéroport, de nombreux cars et voitures attendent; DEMBA et deux de ses collègues SALIF KABA, le second chanteur et SEKOU DIABATE guitare-solo, empruntent une Peugeot 504 pour  gagner la ville.
La voiture lancée à vive allure dérape quelque cent mètres plus loin, racle les piquets qui délimitent un virage et se retrouve les quatre roues en l’air. Accident stupide ! Deux jeunes musiciens blessés s’extirpent péniblement des ferrailles fumantes et retrouvent sur la chaussée DEMBA sanglant et gémissant. Il avait été projeté hors de la voiture et avait chuté par la tête.
Transporté d’urgence à l’Hôpital Principal de Dakar, le diagnostic des médecins ne laisse aucun doute sur la gravité de son état : fracture du crane et forte compression de la cage thoracique causée par la violence du choc qui l’avait éjecté. Six jours durant, le jeune chanteur lutte avec la mort. Une hémorragie cérébrale incontenable en plus de graves traumatismes subis par un organisme sérieusement affaibli, auront finalement raison de sa vie.
 A Conakry à partir du 1er avril la ville est en émoi. Des bulletins de santé optimistes sont cependant journellement diffusés à la radio jusqu’au soir du 4 avril. C’est dire que l’annonce de la mort de DEMBA a surpris et glacé de stupeur l’ensemble du peuple de Guinée. Par un communiqué officiel traduit en six langues nationales, le Parti et le Gouvernement décrètent deux jours de deuil national (jeudi et vendredi) les drapeaux en berne, et décident les obsèques nationales pour le chanteur. Une importante délégation du Parti et du Gouvernement conduite par un membre du Bureau Politique est dépêchée à Dakar pour ramener le corps de l’artiste défunt. Jeudi à 19 heures, l’aéroport de Conakry-Gbéssia est bondé de monde venu spontanément accueillir la dépouille mortelle de DEMBA CAMARA. C’est là que vont effectivement débuter les obsèques nationales qui se poursuivront au Palais de Peuple par une longue veillée à laquelle participeront, à tour de rôle, tous les membres du Comité Central du P.D.G. et du Gouvernement. A Conakry, tous les dancings sont fermés.
 Jamais funérailles d’artiste n’auront connu de messages, tant de transports collectifs de sympathie et de compassion, un tel raz de marée, de processions et de marches funèbres dans les pays africains aussi éloignés les uns les autres que le Zaïre et la Guinée ; la Sierra-Leone, la Haute-Volta et le Sénégal, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Mali et le Liberia. Dans tous ces pays, le chanteur compositeur du BEMBEYA JAZZ avait ses fans et était considéré comme l’un des plus grands animateurs de la musique moderne africaine.
 Vendredi 6 avril à Conakry, en présence de deux délégations officielles des gouvernements Sierra-Léonais et Sénégalais, plus de cent mille personnes toutes vêtues, ont accompagné à sa dernière demeure, au cimetière de Camayenne, le célèbre compositeur chanteur, Aboubacar DEMBA CAMARA. La fanfare du Camp Boiro ouvrait la marche funèbre en exécutant l’hymne mandingue des preux guerriers : « BOLOBA ». Une mobilisation spontanée d’hommes, de femmes et de jeunes en pleurs a engorgé toutes les artères de la ville. Poète et musicien de son vivant, mort, DEMBA est pleuré en martyre, en héros impérissable de tout un peuple.
 Cependant rien ne prédisposait DEMBA à une carrière d’artiste, surtout de compositeur-interprète, Bègue, timide et surtout fils d’ouvrier, personne ne pouvait prédire à Aboubacar DEMBA qu’il ferait une entrée fulgurante dans l’arène de la musique africaine encore fortement influencée par une castisation millénaire.  

 Né en 1944 à Conakry, CAMARA y débute ses études primaires auprès de son père Fodé CAMARA, modeste ouvrier de l’Office des Chemins de fer, dénommé à l’époque CONAKRY-NIGER.
 Après le C.E.P.E son père l’inscrit à la Section Manuelle de l’Ecole Régionale de KANKAN, il en sort avec le diplôme d’ouvrier, ébéniste, toujours fredonnant. En 1963, affecté à Beyla, il intègre la formation fédérale BEMBEYA JAZZ qui commençait en ce moment sa vertigineuse ascension vers le titre national.
DEMBA doit alors lutter sur plusieurs fronts pour devenir l’animateur à succès que l’on pleure aujourd’hui. D’une famille originaire de Saraya, petite gare près de Kouroussa, sa venue à l’orchestre en qualité de chanteur était considérée par ses parents comme une fuite devant les taches plus « sérieuses » de menuisier à l’établi. Ces réticences, bien sur, seront balayées avec les succès que BEMBEYA JAZZ remportera pour accéder en 1966 comme orchestre national, après un voyage triomphal à Cuba. C’est là dans la grande île de la liberté, qu'il fit pleurer le vieil animateur afro-cubain Abelado Barroso en interprétant en espagnol les grands succès de la riche carrière  de septuagénaire.

DEMBA suit très tôt et apprit vite que pour s’imposer comme interprète d’une grande formation nationale, il faut travailler sa voix, soigner sa diction, acquérir du souffle, discipliner ce souffle, exercer ses oreilles et aviver son sens du rythme et de la mesure. En somme un travail de tous les jours et de longue haleine ! Il s’y employa avec rage et ténacité, en s’inspirant des styles d’interprétation des bardes africains.

 Passionné de chants et de musique, attentif aux différents rythmes qui caractérisent les musiques africaines, DEMBA s’est affirmé comme un chercheur qui aime les folk-songs sans pour autant dédaigner les autres genres. Magnétophone en bandoulière, il était assidument aux portes de tous les artistes traditionnels de Conakry.
 Sa voix male, ou rauque doux et prenant, le mit à l’aise dans les genres et tous les styles d’interprétation. Plus qu’un chanteur DEMBA était devenu un « monstre de spectacle, un maître à ambiance !»
 Au sein du célèbre BEMBEYA JAZZ NATIONAL, il fait à travers l’Afrique Occidentale plusieurs tournées des capitales. Et partout ou il s’est produit, il a amené ses collègues de rencontre à méditer son prodigieux style d’animation. Les succès « REGARD SUR LE PASSE » « BALLAKE » « ARMEE GUINEENNE » « WARABA » et tant d’autres qui sont à l’affiche des « hit-parades » des radios-télévisions, succès qui sont imités par beaucoup de formations africaines, portent tous le cachet original de composition, d’adaptation et d’interprétation de DEMBA CAMARA.

 En Afrique comme partout ailleurs, les chansons volent de lèvres en lèvres, de génération en génération, gorgées d’histoires, d’amour et de vie. Les créations de Aboubacar DEMBA CAMARA, surtout ses « derniers succès », c’est le chant de cygne d’un grand poète, d’un grand musicien africain, et le message vocalisé d’un chanteur que les siècles ne feront plus taire.
    IBRAHIMA KHALIL DIARE

12ème DJEMBE D'OR-------by K.I.N.G